Le roi Gyanendra Shah et le prince héritier Paras Shah ont donné le coup d’envoi d’une campagne politique qui incite à la restauration de la monarchie au Népal. En 2020, des milliers de Népalais manifestaient pour le retour du roi mais jamais encore l’ancien souverain n’avait accepté de s’impliquer publiquement et officiellement dans un mouvement. Il s’agit de sa première prise de position et son premier soutien officiel à un mouvement politique.
Une campagne de restauration du royaume hindou obtient le soutien de l’ancien roi du Népal
Cela fait quelques années maintenant que l’ancien roi Gyanendra Shah espère un jour se rasseoir sur son trône. L’ancien roi du Népal, renversé en 2008, n’a pour le moment tenté véritablement aucun coup politique mais il reste alerte sur l’évolution de la situation dans son pays. Depuis l’abolition de la monarchie, il n’a jamais caché non plus sa disponibilité, prêt à reprendre ses fonctions royales si ses anciens sujets le désiraient.
Pour la première fois, ce lundi, le roi Gyanendra Bir Bikram Shah Dev a assisté à une manifestation politique. Il était accompagné de son fils, le prince héritier Paras Shah, précise le journal Khabarhub, ainsi que de sa nièce. Le roi Gyanendra a accepté de lancer la campagne de pression pour la restauration du « royaume hindou ». Le trône hindou de la dynastie Shah a tenu 240 ans. Le roi Gyanendra Shah a accepté son sort et a abandonné son trône en 2008.
Ces dernières années, les mouvements monarchistes se sont réveillés au Népal, bien que la crise sanitaire ait à nouveau ralenti leur progression. Le parti Rastriya Shakti Nepal (RSN) parvient à séduire les jeunes. À la tête du RSN, il y a Keshar Bahadur Bista qui souhaite restaurer de la monarchie hindoue. En 2020, de grandes manifestations ont eu lieu un peu partout dans le pays pour demander le retour du roi.
La situation politique actuelle est catastrophique et est identique à celle qu’on aurait pu constater au moment où la monarchie a été abolie. Seul le régime a changé. Les Népalais pensaient à l’époque que la chute du roi rendrait leur pays plus prospère et plus digne. La désillusion est totale et elle avait commencé dès les premières années de la jeune république. Il a fallu attendre 2015, soit 7 ans après l’installation du nouveau régime politique pour qu’une Constitution soit adoptée.
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Gyanendra Shah lance la campagne politique dans le sud-ouest du Népal
Ce lundi 13 février, un mouvement s’est formé à Kakarvitta, dans le district de Jhapa, au sud-est du Népal. Le mouvement, pour le moment dirigé par l’homme d’affaires Durga Prasai, est la première initiative du genre à laquelle l’ancien roi accepte d’apporter son soutien public. Durga Prasai, qui possède notamment un hôpital dans la région et qui fut membre du comité central de l’ancien Premier ministre KP Oli, a lancé sa campagne de restauration du royaume hindou, en demandant au roi d’allumer une lampe sur le pont Mechi. Ce pont part du district de Japha au Népal et le relie au district de Darjeeling, au Bengale occidental, en Inde.
Indian Express précise que « l’ancien roi n’a prononcé aucun discours, mais sa présence dans une telle campagne – la première depuis l’abolition de la monarchie il y a 14 ans – est considérée comme significative à un moment où la situation politique du pays semble dériver vers l’instabilité et l’incertitude ». Le roi s’est contenté d’être présent avec son fils et de lancer symboliquement la campagne.
« Nous n’avons jamais voulu, et nous ne serons pas une république qui enverra plus de 10 millions de jeunes Népalais dans les pays du Golfe pour y verser leur sang et leur sueur », a déclaré Durgai Prasai. Sur les réseaux sociaux, on peut y voir des photos de l’événement ayant réuni des milliers de personnes à la frontière de l’Inde. Le roi est assis au centre d’une estrade installée face à la foule. Il porte des lunettes de soleil et ne cache pas son sourire.
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Le nom complet de la campagne est « Sauvons le dharma, la nation, le nationalisme, la culture et la méga campagne des citoyens ». Avant l’abolition de la monarchie, le Népal était le seul royaume au monde ayant pour religion d’État l’hindouisme, ce qui fait qu’aujourd’hui encore, Gyanendra Shah est de facto le seul roi hindou au monde. Pour cette raison, il est encore invité à participer aux grands événements hindous, y compris en Inde. En 2021, il avait d’ailleurs participé aux manifestations religieuses de Kumbh Mela à Haridwar, en Inde, où des millions de fidèles se rassemblent pour prendre des bains sacrés. Lui et son épouse, la reine Komal, en étaient revenus avec le coronavirus. Ils avaient été hospitalisés. Le roi avait été placé sous assistance respiratoire, alors que l’état grave de la reine était plus préoccupant, nécessitant un transfert de plasma pour la soigner.
Le choix de la date pour lancer cette campagne n’est pas anodin. Le mouvement est né en protestation de la proposition du premier ministre Pushpa Kamal Dahal « Prachanda », qui souhaite établir un jour férié le 13 février, en mémoire du début de la guerre civile népalaise. Cette guerre civile, appelée localement la « guerre maoïste », a débuté le 13 février 1996 et a perduré jusqu’en 2006. Il s’agit du mouvement mené par le parti maoïste contre le régime monarchiste. Le roi Gyanendra révoque plusieurs gouvernements, il exige l’arrestation de plusieurs hommes politiques, l’Union européenne tire la sonnette d’alarme et réprimande le régime anti-démocratique du roi. En janvier 2007, un Parlement d’intérim se met en place et en fin d’année l’Assemblée constituante a annoncé la fin de la monarchie le 24 décembre 2007. Le 28 mai 2008, l’abolition est effective.
Depuis son installation au pouvoir, le Parti communiste n’a toutefois pas réussi à faire ses preuves et la colère gronde à présent au sein de la population. L’une des raisons est « la désillusion à l’égard de la démocratie elle-même et l’argument selon lequel un leader charismatique visionnaire est meilleur que la cabale actuelle dans un système parlementaire de style occidental », peut-on lire dans le Nepal Times.
Les rois du Népal sont accusés d’avoir appauvri le pays et de l’avoir corrompu. En 1962, le roi Mahendra Shah a interdit le multipartisme. Jusqu’en 1990, le Népal était une monarchie absolue. Le roi Gyanendra lui-même n’a jamais été populaire et selon certains, il serait lié au terrible assassinat de sa famille. Le 1e juin 2001, le massacre de la famille royale a lieu au palais royal Narayanhiti de Katmandou. Lors d’un dîner de famille, le prince héritier Dipendra s’emporte, sous les effets de l’alcool et sous l’emprise de la drogue. Il tue le roi, la reine, ainsi que la majorité des héritiers du roi Birendra. C’est le frère cadet du roi, Gyanendra qui devint roi. Quant au prince héritier Paras Shah, il est lui aussi très impopulaire. L’impossibilité de Gyanendra d’abdiquer à l’époque en faveur de son héritier est un autre élément qui a favorisé l’abolition de la monarchie. Mêlé dans plusieurs affaires, Paras Shah n’est jamais apparu comme un candidat crédible pour ramener la stabilité. Son fils, par contre, le prince Hridayendra Shah, aujourd’hui âgé de 20 ans, et officiellement 2e dans l’ordre de succession, est considéré comme un candidat potentiel à la restauration du trône.
L’ancêtre du roi Gyanandra, Prithivî Nârâyan Shâh, alors dirigeant de la principauté de Gorkha, s’était lancé au 18e siècle dans la conquête des petites principautés de l’Himalaya. En quelques années, Prithvi Narayan Shah était parvenu à annexer de nombreux territoires, en tout, 52 petites principautés. L’annexion des trois principautés de la vallée de Katmandou, à la tête desquels régnaient des rois de la dynastie Malla, marque l’unification définitive du royaume du Népal en 1768-1769 et Prithivî Nârâyan Shâh en est devenu le premier roi.