Saad ben Khalid ben Saad Allah al-Jabri, raccourci en Saad Aljabri, accuse le prince héritier d’Arabie saoudite d’avoir voulu l’assassiner. Saad Aljabri, 62 ans, est un ancien major-général de l’Armée qui fut également ministre de l’Intérieur d’Arabie saoudite. Le sexagénaire, qui vit en exil au Canada, vient de déposer une plainte auprès d’un tribunal de Washington, pour tentative d’assassinat. À travers un document de plus de 100 pages, il raconte en détail comment le prince héritier Mohammed ben Salman aurait envoyé un commando d’élite pour l’éliminer au Canada.
Lire aussi : Six employés accusent le prince Khalid du Qatar de meurtre, viols, torture, séquestration, humiliation
Le bras droit de l’ancien prince héritier porte plainte contre MBS
Saad Aljabri, ancien chef de l’intelligence saoudienne, très proche de Mohammed ben Nayef, en sait visiblement trop. Saad Aljabri, qui a toujours collaboré avec la CIA et les hautes instances américaines, est devenu un personnage dérangeant pour l’Arabie saoudite, une fois Mohammed ben Nayef détrôné de sa position de prince héritier. Pour rappel, en 2017, le fils du roi Salman devient le prince héritier, un titre qui était accordé depuis deux ans à Mohammed ben Nayef, neveu du roi Salman.
Ce jeudi 6 août, Saad Aljabri a déposé une plainte auprès d’un tribunal du district de Columbia dans laquelle il affirme avoir échappé à la mort. Peu de temps après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, le prince héritier MBS aurait envoyé le Tiger Squat s’en prendre à lui. Pour rappel, le Tiger Squat serait l’escadron de la mort, composé d’une cinquantaine d’officiers agissant pour le compte du prince héritier, qui serait responsable de la mort de Jamal Khashoggi.
Lire aussi : Mohammed ben Salman arrête l’ancien prince héritier, le frère du Roi et un cousin dissident
Les autorités canadiennes auraient déjoué une tentative d’assassinat à l’encontre de Saad Aljabri
Dans sa plainte longue de 107 pages (à lire ici dans son intégralité), Saad Aljabri indique qu’il « n’y personne d’autre que lui, que Mohammed ben Salman veut voir mort », notamment parce qu’il est « un fidèle partenaire de confiance des services d’intelligence américains ». Aljabri affirme que le prince saoudien a orchestré un complot pour le tuer au Canada, en parallèle de l’assassinat de Khashoggi.
Aljabri affirme que le prince héritier fait pression pour qu’il retourne en Arabie saoudite. Par exemple, Aljabri est suivi lors de ses déplacements. Des agents ont un jour réussi à le localiser grâce à une puce sur son téléphone. Une fois localisé, Mohammed ben Salman aurait envoyé un « commando » pour le tuer. L’équipe envoyée pour le tuer a été arrêtée par des douaniers canadiens. Les autorités canadiennes ont retrouvé sur ces hommes des outils médico-légaux qui auraient pu être utilisés pour démembrer un cadavre.
Lire aussi : Mohammed ben Salman assume la responsabilité du meurtre de Khashoggi
La famille de l’ancien ministre est prise en otage
Depuis mars, les autorités saoudiennes détiennent Omar, 22 ans, et Sarah, 20 ans, les deux enfants d’Aljabri. Ils sont pris en otage, espérant faire craquer l’ancien ministre de l’Intérieur et le ramener dans le Royaume « dans le but de ramener d’ y être tué ». Le frère d’Aljabri a également été arrêté et d’autres proches sont détenus et torturés à l’intérieur et à l’extérieur de l’Arabie saoudite.
Lire aussi : La princesse Basmah emprisonnée avec sa fille depuis un an implore son oncle, le roi Salmane, de les libérer
Les Etats-Unis prennent très au sérieux la plainte d’Aljabri, ce dernier étant apprécié et considéré par les plus hautes administrations du pays. « Au cours de toutes mes années à la CIA, mais surtout lorsque j’ai été directeur de la division Moyen-Orient de la CIA, je n’ai jamais travaillé avec un fonctionnaire étranger qui avait une meilleure compréhension de la lutte contre le terrorisme que Saad Aljabri », a déclaré Daniel Hoffman, un ancien haut responsable de la CIA, qui a pris sa retraite de l’agence en 2017.
Daniel Hoffman rappelle le rôle important qu’Aljabri a joué lorsqu’il était question «de construire un partenariat antiterroriste américano-saoudien après le 11 septembre, un partenariat étroit sur lequel notre sécurité nationale repose si profondément aujourd’hui. Il a joué un rôle clé pour déjouer de nombreux complots d’al-Qaïda, qui auraient causé d’importantes destructions et des pertes aux États-Unis. » En juillet de cette année, Donald Trump qualifiait Aljabri « d’ami proche » et d’« allié » des États-Unis, dans une lettre adressée à quatre sénateurs. Le président, au courant des pressions que vit actuellement le ministre en exil, a indiqué que les États-Unis avaient « une obligation morale de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour aider à garantir la liberté des enfants » d’Aljabri.
Source : Washington Post