Depuis que les réseaux sociaux servent de support pour y divulguer des photos compromettantes d’une personne sans son consentement, dans le but de l’humilier ou de la harceler, le revenge porn est devenu courant. Mais la pornodivulgation existe depuis bien plus longtemps. Une des premières célèbres victimes est la duchesse d’Argyll, qui dans les années 60 a pu lire dans la presse, la description de photos intimes la montrant en flagrant délit d’adultère. Une série sur l’histoire de Margaret Campbell, la scandaleuse duchesse d’Argyll, est en cours de préparation par la BBC.
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Claire Foy dans le rôle de Margaret Campbell, duchesse d’Argyll
Claire Foy, qui a interprété le rôle de la reine Elizabeth II dans la série The Crown, jouera le rôle de Margaret Campbell, troisième épouse du 11e duc d’Argyll, dans une mini-série en cours de préparation pour la BBC, intitulée A Very British Scandal. Elle donnera la réplique à Paul Bettany, qui interprétera le duc d’Argyll. Le scénario se concentrera principalement sur la misogynie et l’humiliation vécue par l’épouse du Duc, accusée de tous les vices, lors de la procédure de divorce pour adultère, qui fit les choux gras de la presse à l’époque.
En 1963, les Britanniques apprennent dans la presse, les détails de la demande de divorce de Ian Douglas Campbell, 11e duc d’Argyll, avec son épouse, née Margaret Whigham. Tous les deux avaient déjà été mariés auparavant. Le duc d’Argyll avait déjà eu deux épouses avant Margaret, desquelles il avait eu trois enfants. Margaret avait été mariée une fois et avait eu trois enfants avec son premier époux, dont l’aînée est morte à 8 mois, et une fille devenue particulièrement célèbre, connue plus tard comme la duchesse de Rutland.
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Le troisième mariage du 11e duc d’Argyll
Le mariage de Ian Douglas et Margaret Campbell vola en éclat après la divulgation d’un Polaroïd compromettant, sur lequel son épouse apparaissait nue, portant un collier de perles, en train de faire une fellation à un homme. Les nombreuses relations avérées (plus celles qui font partie de la légende) n’ont pas joué en faveur de la duchesse Margaret, facilement accusée d’adultère, face à une preuve matérielle aussi humiliante.
Avant son premier mariage, Margaret Whigham, fille d’un millionnaire écossais, avait fréquenté de nombreux hommes de la bonne société. Éduquée dans les meilleures écoles, notamment à New York, Margaret fréquentait les bals des débutantes, aurait eu une romance avec le prince Ali Khan, fils de l’Aga Khan III, puis elle s’est affichée aux bras de sportifs, hommes d’affaires et millionnaires. Elle aura même une liaison avec le prince George, duc de Kent, fils du roi George V, avant que celui-ci n’épouse la princesse Marina de Grèce. Début des années 30, Margaret annonce ses fiançailles avec le 7e comte de Warwick, une promesse qui sera brisée par une autre proposition, celle du riche héritier américain Charles Sweeny. Margaret et Charles se marieront en 1933 et auront 3 enfants, dont la première morte bébé.
Après huit fausses couches, le couple est à bout et le divorce est inévitable, en 1947. Après son divorce, Margaret annonce ses fiançailles prochaines avec un riche banquier américain mais celui-ci annule aussi le mariage, épris d’une autre. Après différentes liaisons avec des Américains de la haute société, elle finit par rencontrer et épouser le 11e duc d’Argyll, le 22 mars 1951.
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Le duchesse d’Argyll est la nouvelle sensation de l’aristocratie
Le titre écossais de duc d’Argyll avait été créé en 1701 pour élever Archibald Campbell, un aristocrate écossais, déjà comte d’Argyll. La famille Campbell est l’une des plus importantes anciennes familles de la noblesse écossaise, descendants de grands propriétaires fonciers à l’époque féodale. À présent mariée à cette prestigieuse famille, Margaret joue les rôles de châtelaine, dans le magnifique château d’Inveraray, fief de la famille. Aujourd’hui, on l’aurait certainement qualifiée de it-girl, formant avec son époux le couple mondain qu’il fallait inviter à toutes les occasions.
« J’étais devenue une duchesse et la maitresse d’un château historique. Ma fille avait épousé un duc. La vie était toute rose en apparence », écrit la duchesse Margaret dans son autobiographie. Chacune de ses apparitions en public est relayée dans la presse, qui la positionne toujours dans ses articles qui recensent les plus belles tenues ou les femmes les plus en vue du moment.
Selon le Telegraph, d’autres éléments beaucoup plus sordides viennent entacher la réputation de la duchesse Margaret. Outre des documents falsifiés, dont un acte de vente suspect rédigé à son mariage, elle est également accusée d’avoir falsifié des actes de naissance pour faire passer les fils de son époux, issus de son premier mariage comme illégitimes. Puis, elle aurait manigancé d’acheter un enfant pour qu’il devienne l’héritier de son mari, étant incapable de lui donner un enfant après ses différentes fausses couches.
Environ une dizaine d’années après leur mariage, le duc profite du fait que son épouse est en escapade à New York, pour forcer, à l’aide d’un serrurier, le coffre-fort de leur appartement londonien. Il y trouve différentes preuves qui lui permettront de lancer la procédure de divorce.
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Le divorce scandaleux de la duchesse d’Argyll sous fond de revenge porn
Lors de l’audience, en 1963, le duc d’Argyll divulgue des preuves accablantes à l’encontre de son épouse, notamment un Polaroïd volé dans son coffre qu’il avait forcé. Sur ce cliché, on y voit Margaret nue, en train de pratiquer une fellation à un homme nu, dont on ne voit pas le visage. Margaret est identifiée avec son collier de perles. Connu comme « l’homme sans tête », lui n’a jamais été formellement identifié mais il s’agirait du ministre de la Défense Edwin Duncan Sandys, plus tard connu comme Lord Duncan-Sandys, fait baron et gendre de Winston Churchill.
Ne pouvant formellement identifier le mystérieux homme, l’époux trompé donna à la Cour une liste de 88 hommes potentiels. Il avait recensé autant d’hommes qui selon lui auraient dormi dans le lit de son épouse. Parmi eux, on retrouve des membres du gouvernement et trois membres de la famille royale britannique. Une étude graphologique sera exigée par la Cour pour comparer l’écriture des 5 principaux suspects avec l’écriture du mot doux « Je pense à toi », inscrit sous la photo. Selon un article du New York Times de 2000, le résultat de l’analyse graphologique, qui n’a jamais été rendue publique, indique qu’il s’agit de Douglas Fairbanks, fils du célèbre acteur américain du même nom.
Lord Wheathley, juge principal lors de cette affaire, a accordé le divorce au duc d’Argyll en prononçant une déclaration cinglante envers Margaret. Le Times rapporte que le juge a déclaré à l’audience que Margaret était « une femme aux mœurs légères dont l’appétit sexuel ne pouvait être satisfait que par un certain nombre d’hommes. (…) Son attitude envers le caractère sacré du mariage était ce que les modernes appelleraient “éclairée” mais qui, en langage clair, était totalement immorale. » Sa biographe rapportera dans The Scotsman que plusieurs hommes présents dans la liste des amants qu’on lui prête, étaient des amis homosexuels, mais Margaret avait préféré pour leur sécurité et leur protection ne pas le dévoiler, l’homosexualité étant toujours illégale à l’époque.
L’histoire du divorce le plus scandaleux de la noblesse britannique a inspiré bien des histoires, notamment un célèbre opéra de Thomas Adès, Powder Her Face. Cette œuvre n’épargne aucun détail des ébats sexuels de la duchesse.
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Margaret Campbell après son divorce
La même année que son divorce, le duc d’Argyll épousa Mathilda Coster Mortimer Heller, ex-épouse du fondateur du Salzburg Global Seminar, et petite-fille d’un célèbre banquier américain. Ils auront une fille, née en 1967 et morte 5 jours plus tard. Le duc mourut en 1973, d’une attaque cérébrale dans sa maison de retraite d’Édimbourg, à 69 ans. Son fils ainé Ian, issu de son deuxième mariage avec Louise Clews, devint le 12e duc d’Argyll. Ce dernier est mort en 2001 et son fils ainé, Torquhil Campbell est l’actuel 13e duc d’Argyll. Torquhil, né en 1968, a épousé Eleanor Cadbury, membre de la famille du chocolatier du même nom. Parents de trois enfants, leur aîné et héritier du titre, Archie Campbell, né en 2004, porte le titre subsidiaire de marquis de Lorne et a été page de la reine Elizabeth II de 2015 à 2018.
La descente aux enfers de l’ancienne duchesse d’Argyll
Après son divorce avec le duc d’Argyll, Margaret vécut une descente aux enfers progressive. Mondaine et installée à Londres, elle continuera à vivre la grande vie, jusqu’à ce qu’elle soit obligée de vivre avec sa femme de chambre dans un hôtel. Celui-ci finit par la mettre à la porte, ne pouvant plus payer son loyer.
En novembre 1970, elle a « adopté » deux garçons d’une manière « peu orthodoxe » mais en accord avec leurs parents, indique-t-elle dans ses notes personnelles. Elle présente alors Richard et Jamie Gardner, 9 et 7 ans, fils d’Howard et Jean Gardner comme ses fils. Elle avait la volonté d’aider des enfants en difficulté, en leur payant une bonne éducation. L’adoption légale aurait été impossible car elle était célibataire et avait plus de 45 ans. On lui proposa une « adoption à titre privé », ce qui correspondait mieux à la notion qu’elle souhaitait et qui existait aux États-Unis, sous le terme de « sponsor ». Elle tentera de subvenir à leurs besoins le plus longtemps possible, malgré ses problèmes financiers qui commençaient à s’accumuler.
Malgré les ventes de son autobiographie, elle ne put éponger ses lourdes des dettes. Son premier époux l’aidera à la loger dans un appartement. Placée par ses enfants dans une maison de repos début des années 90, elle sera photographiée par le magazine Tatler, assise au bord de son lit, vêtue d’une simple robe de chambre. Le contraste avec les photos de celle qui fit autrefois la une des papiers glacés pour ses somptueuses tenues est terrible.
Elle mourut des suites d’une chute dans la maison de retraite, le 25 juillet 1993. Par sa fille, devenue duchesse de Rutland à son mariage, Margaret a aujourd’hui de nombreux descendants membres de la noblesse britannique, dont David Manners, l’actuel 11e duc de Rutland et son fils ainé, Charles Manners, marquis de Granby.
Jusqu’à la fin, Douglas Fairbanks réfuta être l’homme sans tête du Polaroïd. En 2020, The Guardian a affirmé connaitre enfin l’identité de l’homme sans tête. Il s’agirait bien de Lord Duncan-Sandys, avançant que le seul appareil Polaroïd existant en Angleterre à l’époque se trouvait au ministère de la Défense.