Depuis des mois, une enquête pour fraude fiscale était en cours, jusqu’ici secrètement. Elle concerne des revenus non déclarés par le roi émérite Juan Carlos, qui entre 2016 et 2018 aurait bénéficié de cartes de crédits opaques pour soutenir son train de vie. À présent, l’équipe juridique de l’ancien souverain espagnol a été envoyé au bureau du Trésor public pour tenter de négocier un remboursement des montants non déclarés afin d’éviter des poursuites et d’éventuelles condamnations pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement.
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Juan Carlos peut encore régulariser sa situation avant le dépôt de plainte
Il y a quelques semaines, la presse espagnole avait découvert qu’une enquête pour fraude fiscale était en cours, à l’encontre du roi émérite Juan Carlos. Une fois l’affaire rendue publique, le procureur général de l’État a renvoyé le dossier au parquet de la Cour suprême. La loi espagnole qualifie de fraude fiscale, la divulgation de revenus dépassant 120 000 euros par an. Tous les dons doivent être déclarés, même provenant d’un ami, à partir de ce seuil annuel. Seuls les dons d’un parent bénéficient d’une certaine souplesse.
Selon les premières informations, sur les trois années visées – 2016, 2017 et 2018-, les montants reçus, et donc non déclarés, dépasseraient les 500 000 euros. Sur les trois années, seules deux dépasseraient les 120 000 euros et pourraient donc faire l’objet d’une plainte pour fraude fiscale. Ces montants excédentaires sont des sommes utilisées par le roi émérite et d’autres membres de sa famille qui proviennent d’un compte approvisionné par son ami, l’homme d’affaires mexicain Allen de Jesús Sanginés-Krause. L’argent était dépensé en utilisant des cardes de crédits opaques, gérées par l’aide de camp de Juan Carlos.
Entretemps, Allen de Jesús Sanginés-Krause a avoué avoir envoyé 270 000 euros en 2017 et 2018 à l’aide de camp du roi pour financer l’entretien d’une jument. Il s’agit de la jument Dibelunga de Victoria de Marichalar, la petite-fille de Juan Carlos. Officiellement, la famille royale avait indiqué que la jument était un cadeau de l’infante Elena à sa fille mais en réalité, la passion équestre de Victoria était financée par l’homme d’affaires mexicain.
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L’enquête pour fraude fiscale est toujours en cours mais pourrait être stoppée si Juan Carlos régularise sa situation
Il reste encore un ultime recours à Juan Carlos, qui depuis le mois d’août vit un exil volontaire à Abu Dhabi. L’enquête pour fraude fiscale est toujours en cours, ce qui signifie qu’aucune plainte n’a encore été formellement déposée à son encontre par la Cour suprême. L’article 305.4 du Code pénal espagnol permet à tout citoyen de régulariser lui-même sa situation en remboursant au moins 70% des revenus non déclarés. Si les montants dépassent les 500 000 euros (comme l’enquête l’indique pour le moment), Juan Carlos devrait donc faire le plus rapidement possible un chèque de 350 000 euros pour éviter la plainte pour fraude fiscale.
La plainte pour fraude fiscale pourrait à son tour déclencher d’autres poursuites. En fonction des éléments trouvés et de la manière dont l’argent a été utilisé, on pourrait également parler de blanchiment d’argent. Le roi Juan Carlos ne bénéficie pas de son immunité pour ces faits, ceux-ci s’étant produits après son abdication. Ce n’est pas le cas de l’affaire des 100 millions de dollars suspects reçus en cadeau sur son compte en Suisse, envoyés par le roi d’Arabie saoudite. Cette affaire est classée sans suite en Espagne (pas en Suisse) où Juan Carlos bénéficie de son immunité en tant que chef d’État, les faits s’étant produits avant son abdication.
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La régularisation serait une preuve de sa culpabilité
Comme le rapporte RTVE, la classe politique a réagi différemment à la tentative de régularisation de la situation. Le porte-parole parlementaire d’EH Bildu, Oskar Matute, a indiqué qu’il s’agissait « d’une tentative de plus – ce n’est pas la première et ce ne sera pas la dernière – de blanchir l’image d’une personne qui s’est avérée avoir utilisé sa position, inviolable en revanche, de favoriser ses intérêts personnels et particuliers et non pas tant de représenter avec la plus grande dignité le royaume qu’il détenait. »
D’autres ont indiqué que la tentative de régularisation prouve bien sa culpabilité et qu’il s’agit d’un aveu. Le porte-parole parlementaire de Compromís, Joan Baldoví, s’est dit « préoccupé » que malgré les preuves « accablantes », « cette enquête ne soit pas plus avancée ». De son côté, le ministre des Finances de Madrid, Javier Fernández Lasquetty, a voulu calmer le jeu en rappelant que « constitutionnellement, la monarchie est le symbole de l’unité de l’Espagne et de sa continuité historique, et dans ce cas, la monarchie est plus nécessaire que jamais ».
Sources : El Pais, RTVE, El Diario