En 2013, à l’abdication de son beau-père, Mathilde, déjà princesse de Belgique et duchesse de Brabant depuis son mariage en 1999, est devenue reine des Belges. Sa fille, Elisabeth, deviendra la première reine des Belges régnante. L’épouse du souverain et sa fille aînée descendent de prestigieuses familles de la noblesse slave et ruthène. Descendantes de souverains lituaniens médiévaux et de princes polonais, jamais ceux-ci n’auraient pu imaginer que c’est en Belgique que leurs descendants régneraient un jour.
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Une reine aux origines ukrainiennes, polonaises et lituaniennes
Mathilde d’Udekem d’Acoz est née le 20 janvier 1973. Fille de l’écuyer Patrick d’Udekem d’Acoz et de la comtesse Anna Maria Komorowska. La famille d’Udekem d’Acoz appartenait à la petite noblesse belge francophone de Flandre, dont le chef de famille (le grand-père de Mathilde puis son oncle) portait le titre de baron. Les autres membres de la famille étaient écuyers (un titre, qui au féminin n’existe pas en français mais bien en néerlandais). L’épouse de Patrick d’Udekem d’Acoz, Anna Maria Komorowska, est une comtesse polonaise, dont le titre de comtesse n’est accordé que par usage, la monarchie étant abolie en Pologne et cette famille n’étant pas incorporée au système nobiliaire belge.
C’est bien par sa ligne maternelle que Mathilde compte ses plus prestigieux ancêtres. La famille d’Udekem d’Acoz va, quant à elle, être élevée au mariage de Mathilde avec le prince Philippe, héritier du trône de Belgique. Elle reçoit, par arrêté royal le titre de princesse de Belgique et porte celui de duchesse de Brabant par son mariage. Le roi Albert II octroie le titre de comte et comtesse aux membres de la famille de sa nouvelle belle-fille, pour eux et leurs descendants. Philippe devient le 7e roi des Belges à l’abdication de son père en 2013. Philippe est par ailleurs, le premier souverain du royaume de Belgique à avoir des origines belges par sa mère.
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Les familles Komorowski et Sobánski
Les plus proches ancêtres polonais de la reine Mathilde sont ses grands-parents maternels. La mère de Mathilde, Anna Maria Komorowska (ou Anne Komorowska) est née à Białogard, une ville de Poméranie occidentale, dans le nord-ouest de la Pologne. Du côté paternel, Anna Maria est issue de la famille comtale Komorowski et du côté maternel, de la famille princière Sapieha.
Les Komorowski sont issus de la noblesse terrienne de Lituanie, originaire de la région de Haute Lituanie, au nord-est du pays. La famille est connue, à l’époque contemporaine, grâce à Bronisław Komorowski, qui fut président de la république de Pologne de 2010 à 2015. Il est un lointain cousin de la reine Mathilde.
De son côté maternel, la reine Mathilde descend de la famille princière Sapieha. Sa grand-mère, la princesse Zofia Sapiezanka, née à Bobrek, en Pologne (Petite-Pologne), est décédée dans un accident de voiture à Herstal, en Belgique, avec sa petite-fille, Marie-Alix, sœur de la reine Mathilde, en 1997. La mère de la princesse Zophia (Zofia ou Sofia) était la comtesse Sobanska.
La famille Sobański était une ancienne famille de la noblesse polonaise bien que son titre ne fût accordé qu’en 1880 par le pape. Il s’agit donc d’un titre comtal romain. Cette année-là, le pape Léon XIII octroya le titre de comte à Feliks Sobański, grand propriétaire terrien, humaniste, activiste et philanthrope. Les membres de la famille de Feliks étaient des grands propriétaires terriens de Podolie, une région historique au centre-ouest de l’Ukraine. Feliks a grandi à Odessa. Les origines plus lointaines des Sobánski sont polono-ruthènes.
Le comte Feliks était devenu propriétaire d’un domaine à Guzów, en Masovie (Pologne), en le rachetant à la famille de son épouse endettée. Il y fera construire un immense château dans le style néorenaissance, inspiré des châteaux de la Loire. Le comte Feliks est l’arrière-grand-père de la grand-mère de la reine Mathilde.
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Les ancêtres Sapieha de la reine Mathilde
La reine Mathilde descend des deux branches principales de la famille Sapieha. L’histoire de la famille remonte au 15e siècle, avec Semen Sapieha. Ses deux fils, Bohdan Semenowicz Sapieha et Iwan Semenowicz Sapieha sont à l’origine de deux lignées : Sapieha-Różański pour le premier et Sapieha-Kodeński pour le second. La reine Mathilde descend d’Iwan par sa grand-mère, la princesse Sofia, qui est une descendante directe en ligne masculine de Semen Sapieha, fondateur de la Maison. Mathilde descend de Bohdan par une ancêtre du 17e siècle qui avait épousé un Lubomirski, dont descend l’arrière-arrière-grand-mère de la grand-mère de Mathilde.
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En 1572, la branche Kodenski obtient le titre princier, qui sera reconnu plus tard en Autriche-Hongrie. La famille Sapieha est l’une des familles les plus connues de la noblesse polonaise. C’est en 1700 que Michał Franciszek Sapieha, grand écuyer de Lituanie, a obtenu le titre de prince, qui s’est toutefois éteint après lui. En 1768, la Diète polonaise octroie le titre de prince et princesse à tous les membres de la famille.
L’histoire de Semen Sapieha ou Sopiha est très peu connue. Il fut grand greffier de Lituanie, en tant que secrétaire du roi Casimir IV Jagellon, au milieu du 15e siècle. Si son histoire est peu connue, son origine l’est encore moins. On le dit fils de Sungaila, lui-même petit-fils du grand-duc Ghédimin de Lituanie.
Il est possible que la famille Sapieha possédait le village de Sopieszyno, dans le nord de la Pologne, à quelques kilomètres de Gdansk. Ce très vieux village de Poméranie était inscrit comme une seigneurie féodale déjà vers les 11e et 12e siècles. En 1399, on le mentionne comme un village appartenant à des seigneurs prêtant allégeance à la Couronne polonaise. Ces seigneurs, marchands de la Volga et de la Baltique, pourraient être les Sapieha, d’où leur nom. Cette famille issue de boyards ukrainiens aurait ensuite fui le village lors de l’invasion teutonique.
Les membres de la famille ont assuré des positions politiques, militaires et religieuses très importantes dans la république des Deux Nations, union du royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie. La famille Sapieha compte 41 voïvodes, 14 castellans, 2 hetmans, 4 grands hetmans, 2 vice-chanceliers, 3 grands chanceliers, 3 évêques et un archevêque.
La plupart des ancêtres de la famille Sapieha de la reine Mathilde furent députés de la Diète de la république des Deux Nations. Ils occupèrent des positions importantes au sein de la cour grand-ducale de Lituanie. Parmi eux, on retrouve un Grand Panetier de la cour de Lituanie, un Grand Maître d’hôtel de la cour de Lituanie ou un Grand Intendant de la cour de Lituanie. Ces fonctions correspondent à celles de chef de table, chef de la cour ou chef des chambrées du roi. Le plus proche ancêtre ayant une fonction au sein d’une cour était le prince Aleksander Antoni Sapieha, qui fut chambellan de Napoléon.
Dans le secteur judiciaire, la reine Mathilde a pour ancêtres, un Grand Greffier de Lituanie. Dans le secteur militaire, on retrouve un maréchal-hospodar. Dans l’administration, la plupart des ancêtres de la famille Sapieha étaient starostes et voïvodes. Les starostes étaient les propriétaires d’un fief qu’ils administraient. Les voïvodes sont les préfets d’une voïvodie, une province de Pologne et de Lituanie.
Les familles Lubomirski, Sanguszko et Czartoryski
Parmi les autres grandes familles d’Europe de l’Est dont descend la reine Mathilde, il y a notamment celles de Lubomirski, Sanguszko et Czartoryski. Izabella Lubomiriska, quatre fois arrière-grand-mère de la reine Mathilde, était une princesse issue de la famille princière Lubomirski de son côté paternel et de la famille princière Czartoryski de son côté maternel. Son époux, le prince Wladislaw Sanguszko appartenait lui aussi à une famille princière.
Le fondateur de la dynastie Sangusko est Sanguszko Fiodorowic, prince de Ratnie, décédé au milieu du 15e siècle. On le dit petit-fils d’Olgierd, grand-duc de Lituanie. Ses fils Alexander et Michal sont à l’origine des deux branches familiales. La famille Sanguszko possédait des grands domaines en Ukraine, un palais à Lviv, mais finira par s’expatrier au Brésil, au 19e siècle.
Les ancêtres de la famille Lubomirski, dont le nom n’était pas encore celui-ci, sont connus jusqu’au 10e siècle. Le clan familial, dont la lutte contre le paganisme sera remarquée par le roi Mieszko de Pologne, se verra octroyer des titres et des privilèges. Il faut attendre le 15e siècle pour que la famille prenne le nom de Lubomirski, en référence à la ville de Lubomierz, fief que possédait la famille. La famille Lubomirski va s’enrichir, à partir de cette période, dans les mines de sel près de Cracovie.
Par sa richesse, la famille Lubomirski sera celle vers qui les personnages influents se tourneront lorsqu’il sera question de leur prêter de l’argent. La famille modernise les moyens de productions agricoles, a une vision éclairée concernant la gestion et la main-d’œuvre et permet aux Juifs d’avoir le droit de propriété sur leurs terres.
Parmi les ancêtres de la reine Mathilde, issus de la famille Lubomirski, on compte de nombreux voïvodes, des starostes et des hetmans. Certains personnages influents ont marqué l’histoire de la Pologne et de la Transylvanie, comme Jerzy Sebastian Lubomirski au 17e siècle. Le fils de ce dernier sera un soutien de Philippe-Guillaume de Neubourg au trône de Pologne, et le petit-fils, un soutien de François-Louis de Bourbon-Conti. C’est Stanisław Lubomirski, père de Jerzy Sebastian Lubomirsk, qui avait reçu le titre de prince du Saint-Empire de l’empereur Ferdinand III de Habsbourg. Ce dernier, propriétaire d’une dizaine de châteaux, avait épousé Zofia Ostrogzka, descendante de la puissante famille Ostrogski et considérée comme la femme la plus riche de Pologne de cette époque, selon Jane Turner.
Enfin, c’est sous le nom de famille de Czartoryski que se cachent les origines royales de la reine Mathilde. Cette famille d’origine ruthène a pris ce nom au 14e siècle, en référence au nom du fief (Chortoryisk en ukrainien et Czartorysk en polonais) que possédait le prince Konstanty, petit-fils du grand-duc Ghédimin de Lituanie. Chortoryisk est situé au nord-ouest de l’Ukraine, le long du Styr, dans le raïon de Manevytchi.
Les historiens sont partagés sur le nom de son père, qui serait soit Karijotas soit son frère Olgierd, deux fils de Ghédimin. Olgierd fut lui-même grand-duc de Lituanie et l’un de ses fils, Jagellon, sera connu comme Ladislas II Jagellon lorsqu’il deviendra roi de Pologne et est à l’origine de cette dynastie qui régnera sur la Pologne et la Lituanie jusqu’au 16e siècle.
Ghédimin, né vers la fin du 13e siècle, est monté sur le trône du grand-duché de Lituanie à la mort de son frère, le grand-duc Vytenis, en 1316. Il est très certainement l’un des personnages les plus importants de la construction de la Lituanie. Il annexe plusieurs territoires en cumulant les victoires contre les chevaliers Teutoniques. Il fonde aussi la ville de Vilnius dont il fait sa capitale en 1323, et il est à l’origine du catholicisme dans le pays. À sa mort en 1341, le grand-duché de Lituanie s’étend sur la Biélorussie actuelle et même sur une partie du nord de l’Ukraine.
Ghédimin était le fils du grand-duc Pukuveras (ou Butvydas), lui-même frère du grand-duc Butigeidis. Ce dernier est le membre de la famille le plus ancien incontesté, dont le règne a débuté en 1285. Les origines de Pukuveras et son frère Butigeidis sont inconnues et disputées à cause du manque d’écrits historiques. Ghédimin, qui a donné son nom à la dynastie des Gédiminides, est l’un des personnages les plus importants de la région, ce qui lui vaut aussi d’être l’ancêtre légendaire de plusieurs grandes familles. La famille Sapieha, par exemple, dit être descendante d’un petit-fils de Ghédimin. Semen Sapieha, fondateur de la dynastie Sapieha, était secrétaire de Casimir IV Jagellon, lui-même fils de Ladislas II Jagellon, fils d’Olgierd, fils de Ghédimin. Semen Sapieha aurait donc été au service de son cousin.