Ce 14 février semble être un jour comme les autres pour les 40 000 résidents de la principauté de Liechtenstein. Pourtant, le souverain Hans-Adam II fête ses 80 ans en ce jour de Saint-Valentin. Discret, le prince Hans-Adam II n’organisera aucune manifestation publique pour marquer son anniversaire, excepté une réception organisée la veille pour les autorités du pays, au château de Vaduz. Retour sur le règne visionnaire et parfois autoritaire d’un souverain qui a œuvré au maintien de l’indépendance de son pays et à inscrire son nom dans l’échiquier international.
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Une réception au château de Vaduz et un don à la Croix-Rouge pour le nouveau souverain octogénaire
Il y a maintenant deux décennies, alors qu’il prononçait son discours du Trône à l’ouverture du Landtag, le parlement du Liechtenstein, le prince Hans-Adam II annonçait son intention de prendre sa retraite, considérant avoir accompli suffisamment de grandes missions pour son petit pays. Le souverain a exécuté sa décision en signant un décret princier, le 15 août 2004, dans lequel il transmettait « l’exercice de tous les droits souverains » à son fils aîné, le prince héréditaire Alois. Depuis lors, Hans-Adam II, qui reste le chef de l’État, se fait très discret.


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Le prince héréditaire Alois est aux commandes, gérant les affaires quotidiennes de la Principauté tel un régent. Le souverain, lui, apparaît le jour de la fête nationale et lors de la réception diplomatique de Nouvel An au château de Vaduz. C’est à Vienne qu’on a le plus de chances de croiser dorénavant Hans-Adam II, veuf de la princesse Marie, depuis 2021. Ce 14 février 2025, le prince Hans-Adam II fête ses 80 ans. Sans surprise, le nouvel octogénaire ne prévoit aucune manifestation publique. Il se contentera d’une réception entre quatre murs, au château de Vaduz.

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Par chance, le généreux gouvernement liechtensteinois a pris l’initiative de marquer l’anniversaire du chef de l’État, en faisant un don de 80 000 francs suisses à la Croix-Rouge du Liechtenstein. Le gouvernement précise que « ce don fait suite au souhait du souverain de ne pas organiser d’autres célébrations » et poursuit « une tradition éprouvée ». Le prince Hans-Adam II et le roi Harald V de Norvège sont à présent les deux seuls monarques en exercice, membre du club des octogénaires. Le roi de Suède les rejoindra l’année prochaine. Le roi Albert II de Belgique, le roi Juan Carlos d’Espagne, Beatrix des Pays-Bas et la reine Margrethe de Danemark, sont d’anciens chefs d’État octogénaires, ayant déjà abdiqué.


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Cette réception au château de Vaduz s’est déroulée le 13 février, la veille de l’anniversaire. Avant la réception, la société de philatélie du Liechtenstein a remis au prince un timbre spécial en son honneur. Le président du parlement, Albert Frick, et la vice-première ministre, Sabine Monauni, ont « transmis les vœux et les bénédictions des autorités et de la population au souverain », indique le gouvernement dans son communiqué.


Parmi les invités figuraient des membres du gouvernement et du parlement du Land avec leurs adjoints, les présidents des tribunaux, les chefs des paroisses, l’administrateur apostolique de l’archidiocèse de Vaduz, le curé de Vaduz et les présidents des partis représentés au parlement du Land. Le prince héréditaire Alois était présent lors de la réception. Le Liechtenstein est en cours de remaniement ministériel et parlementaire, suite aux élections législatives organisées il y a dix jours. Petite révolution au sein du pays ultraconservateur, pour la première fois, une femme, Brigtte Haas, devrait devenir première ministre à partir du mois de mars.
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Un prince gestionnaire de fortune
Le prince Hans-Adam II est un personnage particulier. Passionné d’OVNI, il s’est fait un nom parmi les ufologues. Il est considéré comme un souverain pragmatique, qui a su imposer sa vision et restructurer le système de gestion de l’immense patrimoine familial. Le souverain a réussi à traverser les crises et à consolider le pouvoir monarchique grâce à un référendum. Puissant, et paradoxalement quasiment invisible, le prince Hans-Adam II est un pilier important pour les 40 000 résidents de cette Principauté alpine coincée entre la Suisse et l’Autriche, dont les deux tiers de la population ont la nationalité liechtensteinoise.

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Hans-Adam II a succédé à son père, le prince François-Joseph II, le 13 novembre 1989. Il assurait déjà la régence du pays cinq ans. Le prince François-Joseph II fut déjà un souverain particulier, le premier chef de ce petit État à vivre au Liechtenstein, ce qui a grandement contribué à son développement. Jusqu’en 1930, on ne dépassait pas les 10 000 habitants sur tout le territoire. Lorsque le prince Hans-Adam II est monté sur le trône, le pays comptait 28 000 habitants.
Hans-Adam II avait de grandes ambitions pour son petit pays. Refusant d’être un chef d’État inactif, cantonné aux rôles de représentation. Le prince Hans-Adam II a permis à son pays de faire son entrée dans le jeu international. Sous son règne, le Liechtenstein a sauvegardé sa souveraineté, grâce à son adhésion à l’Organisation des Nations unies (ONU) et à l’Espace économique européen (EEE).
Sur le plan familial, le prince Hans-Adam s’est donné la lourde tâche de restructurer la gestion des biens familiaux. Les Liechtenstein, avant de devenir souverains, ont toujours été des gestionnaires de patrimoine. Cette riche et ancienne famille, qui possédait des biens en Moravie, Silésie, Autriche et Bohême a toujours été proche du pouvoir impérial, lui permettant d’obtenir son titre princier en 1608. Le prince Antoine-Florian de Liechtenstein, un noble sans souveraineté, a acheté deux petites parcelles alpines, les comtés de Schellenberg et de Vaduz, en 1699 et 1712. L’empereur Charles VI accepta d’unifier les deux comtés en 1719 et en fit une principauté souveraine, donnant le nom du chef de l’État à ce nouveau pays, le Liechtenstein. Ce n’est qu’en 1938 que le prince François-Joseph II devient le premier souverain à établir sa résidence permanente dans son propre pays.

Aujourd’hui, le groupe familial restructuré par le prince Hans-Adam II comprend un portefeuille d’entreprises largement diversifié, notamment des sociétés forestières et agricoles, des propriétés historiques telles que des châteaux et des palais, et LGT Bank AG. La LGT Bank est l’un des plus grands groupes de banque privée et de gestion d’actifs au monde. À l’occasion de son centième anniversaire en 2021, la banque gérait 240,7 milliards de francs suisses, soit environ 218 milliards d’euros, pour des particuliers fortunés et des investisseurs institutionnels. En 2023, la banque de la famille princière a tiré un bénéfice net de 375 millions de francs suisses, soit près de 400 millions d’euros. La banque LGT n’est qu’une des nombreuses entreprises qui appartiennent à la Fondation du Prince de Liechtenstein, dont le prince en est le propriétaire. Depuis 1988, c’est le prince Philipp de Liechtenstein, frère du prince Hans-Adam II qui est directeur de la Fondation. Quant à la banque LGT, c’est le prince Maximilian qui dirige la banque depuis 2006. Plusieurs princes occupent des fonctions de direction au sein des entreprises familiale, dont la banque, ou au sein de la fondation. La princesse Tatjana de Liechtenstein, la fille d’Hans-Adam II est membre du conseil d’administration du Liechtenstein Gruppe, l’entité qui possède les entreprises du domaine agricole, de l’énergie et de sylviculture. Parmi les entreprises que possède la fondation, on y trouve un musée à Vienne et un important producteur de riz au Texas.
Un prince visionnaire qui a frôlé la crise constitutionnelle en s’affranchissant de la Suisse
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Liechtenstein a changé de cap, signant de nouveaux traités pour s’éloigner de l’Autriche et se tourner vers la Suisse. Avant même de monter sur le trône, Hans-Adam évoquait déjà dans ses discours sa volonté de faire de son pays un acteur mondial en garantissant son indépendance financière. Sa vision d’indépendance vis à vis de la Suisse notamment, a obligé le prince Hans-Adam a consolidé la politique étrangère du pays. Cette mission obligea aussi le prince à outrepasser sa simple fonction de représentant, engendrant parfois des critiques et des craintes en raison de ses positions affirmées qui ont frôlé la limite de la constitutionalité. Toutefois, Hans-Adam II a atteint son objectif lors l’Assemblée générale des Nations unies a admis le Liechtenstein comme son 160e membre en 1990.
En 1992, le prince Hans-Adam II milite à nouveau pour que son pays fasse son entrée dans l’Espace économique européen (EEE). Ce nouvel acte militant pousse le Liechtenstein au bord de la crise. Depuis le début de son règne, Hans-Adam souhaitait se démarquer de la Suisse, affirmant qu’il n’hésiterait pas à prendre des décisions différentes de son allié, avec lequel il est lié par des traités. Hans-Adam voulait que son pays entame des démarches auprès de l’EEE, de son côté. Il a menacé de révoquer le gouvernement et de dissoudre le Parlement si son pays ne se prononçait pas sur l’urgence de rejoindre l’EEE. Grave crise dans le petit pays, le gouvernement négocie un compris avec le Prince. Le gouvernement accepte de soutenir le souverain dans sa décision de rejoindre l’EEE mais obtient en échange le droit d’organiser le référendum après la Suisse. Le prince Hans-Adam II connaîtra un dénouement positif à cette crise, puisque malgré le vote de la Suisse contre son adhésion à l’EEE, le Liechtenstein s’est prononcé à 56% en faveur de son adhésion, une semaine après le rejet de la Suisse.
Cette crise politique sans précédent causée par le monarque lui-même a poussé le Liechtenstein à se pencher sur sa monarchie et sur les pouvoirs accordés au souverain. Une commission a planché pendant une décennie sur la réforme de la monarchie. Sans projet convaincant, le prince Hans-Adam II accepte de se soumettre au vote populaire, laissant la population trancher sur son sort via à un référendum organisé en 2003. Ce référendum se présentait sous forme de deux questions. À la question d’augmenter les pouvoirs princiers, la population a voté à 64% pour. À la question de diminuer les pouvoirs princiers, la population a voté à plus de 83% contre cette idée.
Ce référendum a donc consolidé la légitimité du Prince, sans pour autant savoir réellement si ce vote populaire a permis de rééquilibrer la démocratie du pays. Le souverain, très discret dans les médias, a expliqué dans ses rares interviews qu’il ne jouissait pas de pouvoirs supplémentaires que les autres monarques européens. Au contraire même, le peuple dispose de davantage de droits. Le peuple peut soumettre une motion de censure contre le prince par référendum et il peut même lancer une initiative visant à abolir la monarchie.