Le 9 octobre 1837, la colonie de Nouvelle-Galles du Sud en Australie, installée à Sydney, apprenait que le roi Guillaume IV était mort et que Victoria lui avait succédé, en juin de la même année. Le Sydney Morning Herald et le Sydney Monitor annonçaient la tragique nouvelle dans un encart de leur journal. Cela faisait 4 mois que le Roi était mort, et que sa jeune nièce de 18 ans, était devenue la nouvelle Reine.
Lire aussi : Le courrier d’Elizabeth II écrit pendant la plus grosse crise politique en Australie sera rendu public
111 jours après la mort de Guillaume IV, les colons australiens apprennent la mort du souverain
Le dimanche 8 octobre 1837 en soirée, le bateau Lord William Bentinck arrivait à Port Jackson à Sydney. Dans ce navire dirigé par le capitaine Doutty, seulement 39 voyageurs étaient à bord, quelques nouvelles familles de colons accompagnées de leurs serviteurs. Le bateau avait quitté Londres le 15 juin 1837, avec à son bord, des tonnes de marchandises dont des journaux britanniques allant jusqu’au 14 juin. Ceux-ci faisaient état de la santé précaire du souverain, le roi Guillaume IV étant en train d’agoniser depuis quelques jours. Le 21 juin « des coups de canon ont été entendus au large de Plymouth », écrit le journal australien, qui fait rapport de ce qu’ont pu entendre les passagers à bord, alors que le navire commençait à quitter la Manche.
« Immédiatement, les coups de canon ont laissé présager la mort du Roi, qui se battait péniblement contre la maladie depuis quelques temps, et que quelques jours avant (d’embarquer), des rapports quotidiens sur son état de santé avaient été publiés ». Ce n’est que le 5 juillet, au large de Madère, que le navire Lord William Bentinck a croisé un autre bateau en direction de la Jamaïque, parti après lui d’Angleterre. Lors de leur échange, le capitaine a eu la confirmation de la mort du Roi, survenue le 20 juin en matinée et l’ascension sur le trône de la reine Victoria. Le journal de Sydney rappelle à ses lecteurs, qui n’ont plus eu de nouvelles de Londres depuis longtemps, que « la princesse Victoria avait atteint l’âge de 18 ans, qui est l’âge de la majorité légale et royale, le 18 mai dernier, et que pour l’occasion de grandes réjouissances avaient eu lieu dans Londres illuminée ».
Lire aussi : La première girafe en France : le cadeau de Charles X arrive à Paris après 6 semaines de marche
La presse britannique détaille l’évolution de l’état de santé de Guillaume IV
Le Lord William Bentinck étant arrivé à Sydney le dimanche 8 octobre 1837 en soirée, l’édition du Sydney Morning Herald était déjà en cours d’impression pour le lendemain, quand les presses ont été arrêtées, afin d’y ajouter un encart annonçant la mort de Guillaume IV. Il faudra attendre le numéro suivant du 12 octobre, pour que les journalistes aient eu le temps d’éplucher les journaux britanniques ramenés à bord, et en fassent un résumé dans leurs colonnes, dans la rubrique « Les dernières nouvelles d’Angleterre ».
Lire aussi : Le roi George VI est mort : le jour où Elizabeth est devenue reine alors qu’elle était au Kenya
Le Sydney Morning Herald commence par expliquer que les Britanniques avaient entendu parler des problèmes de santé de leur souverain, mais que rien d’alarmant n’avait été publié dans les journaux avant le 9 juin, annonçant une douleur persistante à la poitrine. Le 11 juin, The Times écrit : « Hier, l’état du Roi était que Sa Majesté avait passé une nuit agréable, et allait mieux ». Preuve de son amélioration, son médecin Sir Henry Halford avait même quitté la ville, et seul le professeur Chambers restait à son chevet à Windsor. Le même jour, The Herald publiait une nouvelle allant dans le même sens. « La santé du Roi continue à s’améliorer. Durant toute la journée d’hier, il était presque complètement libéré de ses violentes quintes de toux, qui mercredi et jeudi en partie, étaient très alarmantes. »
Toujours le 11 juin, The Herald explique que le voyage du roi pour Brighton, qui avait été reporté à cause de son état de santé, pourrait avoir lieu d’ici 1 ou 2 jours. Également, « tous les enfants vivants de Sa Majesté ont eu une entrevue avec le Roi, et ils ont maintenant tous quitté le château pour leurs domiciles respectifs. Une preuve supplémentaire que l’on considère Sa Majesté aller définitivement mieux ».
Le journal parle d’ «enfants vivants », pour mentionner délicatement ses 8 enfants en vie (2 étaient déjà morts), issus de sa relation avec l’actrice Dorothea Jordan. Avec son épouse, la reine Adélaïde, née princesse de Saxe-Meiningen, le roi Guillaume IV avait eu deux filles, l’une est morte à la naissance, l’autre à l’âge de deux mois. D’où le fait que Victoria, la fille de son frère Edouard, lui ait succédé, n’ayant pas d’enfants légitimes en vie. Le journal continue : « Nous sommes désolés d’ajouter que la santé de la Reine a quelque peu souffert suite à l’anxiété de ces trois ou quatre derniers jours ».
Lire aussi : Le 24 février 1848 : l’abdication de Louis-Philippe pour sauver sa dynastie
Le 12 juin, le communiqué officiel émanant de Windsor indique que la santé du Roi s’améliore. Le 13 juin également, même si les journaux publiés le matin étant plus positifs que ceux publiés le soir. Des doutes commencent à se faire ressentir dans les rédactions et le 14 juin, le Morning Post rapporte des faits nettement moins encourageants. « Nous aurions très sincèrement aimé qu’en rapportant le communiqué officiel notre tâche serait accomplie. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Il est en notre douloureux devoir d’ajouter que les rapports qui nous viennent de Windsor durant la journée et jusque tard dans la nuit, sont de nature bien moins satisfaisante que ce à quoi le communiqué nous avait préparés à nous attendre. Nous mentirions au public si nous omettions le fait que les tragiques appréhensions qui avaient été relayées, se soient ravivées la nuit dernière de façon encore plus forte ».
Le Morning Herald du 14 juin fustige le communiqué officiel des médecins et met en doute que le Roi ait réellement passé une bonne nuit. Le journal va plus loin, en donnant des détails reçus par des sources à Windsor. « Durant les dernières 24 heures, les symptômes sont de pire en pire. Dans l’après-midi de lundi, après de nombreuses quintes de toux alarmantes, et une incapacité de plus en plus grande à expectorer, il a été pris de frissons, et ce symptôme alarmant a continué à intervalles, tout au long de la journée. Cette nuit, depuis 19 heures, les quintes n’ont pas diminué en violence et elles sont accompagnées d’expectoration de sang. » Sachant que cette version contredit le rapport officiel, le journal conclut. « Nous pensons que ceci est la vérité. Mais nous serions heureux que ça ne le soit pas ».
Le 14 juin, un nouveau communiqué des médecins annonce que le « Roi a passé une nuit tranquille et Sa Majesté semble requinqué ce matin ». Le journal Courier, qui est publié le soir, émet lui aussi des doutes sur cette version, rappelant que les médecins n’oseraient pas contredire une Circulaire de la cour.
Le 15 juin, le Lord William Bentinck quittait Londres, n’ayant à bord aucun autre journal permettant de continuer à témoigner de l’évolution de la maladie du roi. C’est donc prudent, que le Syndey Herald répète que la connaissance de la mort du roi Guillaume IV ne repose que sur les dires du capitaine Doutty, qui a entendu des coups de canon, puis a discuté à Madère avec un autre capitaine. « Ce gentilhomme affirme cependant qu’il a distinctement entendu les coups de canon, c’est pourquoi, nous pensons qu’il n’existe pas de doute possible sur le fait que Guillaume IV ait cessé de vivre. Nous attendons maintenant les prochaines arrivées (de journaux) d’Angleterre avec encore plus d’anxiété ». Le journal australien conclut en ayant une pensée pour la reine Adélaïde dont on ne connait pas l’état de santé mais semblait elle aussi souffrir de la situation. Pour terminer sur les nouvelles d’Angleterre, le journal de Sydney indique que concernant le parlement, aucun débat intéressant n’a pu être lu dans les journaux rapportés de Londres.
Après seulement 7 ans de règne, le roi Guillaume IV est bien mort à 71 ans, le 20 juin 1837, après une longue agonie. Son épouse est restée à ses côtés. La reine Adélaïde mourra 12 ans plus tard. La nouvelle ville d’Adélaïde, fondée en 1836 pour accueillir des Britanniques libres, avait été baptisée en l’honneur de la Reine. Lors du règne de Victoria, les colonies connaitront une expansion importante suite à la ruée vers l’or. En 1901, la reine Victoria accepte l’indépendance des colonies formant un seul nouveau pays, l’Australie, dont elle serait la souveraine. Victoria meurt quelques semaines plus tard.
Lire aussi : La mort du roi Albert 1e : mort en 1934, une partie de l’énigme résolue en 2016
Qui étaient les Australiens en 1837 ?
Le continent australien fut pendant des siècles connu comme la Nouvelle-Hollande. C’est un document daté de 1817 qui indique pour la première fois l’utilisation du nom Australia. En 1824, l’Amirauté britannique recommande l’utilisation officielle de cette nouvelle dénomination pour désigner le continent, divisé en plusieurs États formés autour de colonies. En 1837, l’Australie comptait environ 150 000 habitants (hors aborigènes), pour la plupart d’anciens prisonniers britanniques.
Dans un premier temps, la Nouvelle-Hollande restera la dénomination de la moitié ouest du pays, alors que la moitié est prend le nom de Nouvelle-Galles du Sud. Au fur et à mesure de l’arrivée et de l’installation des colons, plusieurs colonies se formeront et n’auront quasiment pas de contacts entre elles. Chaque État est dirigé par un gouverneur aux pouvoirs importants, les contacts avec le Royaume-Uni étant rares. À partir de 1850 et la ruée vers l’or, la population va croitre considérablement, pour dépasser le million d’habitants en 1858. En 1901, il y a six colonies sur le territoire. Elles votent ensemble leur indépendance, se réunissant sous une seule nation commune, tout en restant sous la protection de la Couronne britannique. L’Australie est née.
Lire aussi : Les funérailles de George VI le 15 février 1952
Sources : The Ships List, The Sydney Monitor, The Sydney Morning Herald