Le Chalet norvégien est un bâtiment très peu connu des Bruxellois, bien qu’il se trouve en plein cœur des quartiers royaux. Cette maison, construite en 1906, dénote avec l’ensemble architectural néo-classique des bâtiments royaux, et pour cause, elle a été imaginée par un architecte norvégien, d’où son nom. Au départ incluse dans l’enceinte du Palais royal, la maison était devenue le centre d’administration et de gestion du Congo par Léopold II, qu’il rejoignait en traversant les jardins arrière du Palais.
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Un chalet scandinave derrière le Palais royal
Le Palais royal de Bruxelles a connu bien des formes, depuis le début de sa construction en 1815. Le palais consiste en différents ailes conçues pour relier et fusionner quatre hôtels particuliers, construits dès 1776, faisant eux-mêmes partie d’un large plan de réaménagement de cet endroit, sur lequel était autrefois érigé le prestigieux palais du Coudenberg, emporté par les flammes en 1731.
Si Léopold 1er, cet ancien prince allemand tout juste débarqué de Londres, s’est contenté du nouveau palais construit dans un style extrêmement simple pour diriger son nouveau pays, son successeur, Léopold II, qui sera connu comme « le Roi bâtisseur », entreprit d’énormes travaux. Autrefois, les passants pouvaient se promener jusqu’à l’entrée du Palais royal. Des jardins seront aménagés devant le palais et la façade est arrachée afin d’en construire une plus prestigieuse.
En 1828, il existait pourtant déjà un mur qui longeait une partie du domaine. Ce mur de clôture était très simple, construit pour délimiter le Palais sur tout le côté qui n’était pas entouré par des constructions. L’actuelle rue Ducale, l’actuelle place du Trône (anciennement rue de la Pépinière) et l’actuelle rue de Brederode (ancienne rue Verte), longent ce mur.
Vers 1867, au début du règne de Léopold II, le simple mur est transformé. On y construit un mur rehaussé, sous la direction de l’architecte Alphonse Balat, explique Xavier Duquenne. Tout au long du mur, sur le dessus, on y trouve une balustrade, entrecoupée de piédroits à vases, sur la première partie allant de la rue Ducale à la place du Trône. Sur la place du Trône est érigée la majestueuse statue équestre de Léopold II. Des sculptures allégoriques trouvent aussi leur place, qui rappellent le style adopté pour la place Royale, sur le tronçon suivant, allant de la place du Trône à la rue Brederode.
Ce mur présente une grande entrée, à hauteur de la place du Trône, gardée à chaque extrémité par des pilastres sur lesquels se tiennent des lions. Cette porte latérale donne accès aux abords arborés du Palais royal. La grille qui donne sur cette frondaison qui cache le Palais était autrefois une grille faite de simples barreaux, permettant d’avoir une vue sur le Palais à travers les arbres qui le cachent en partie. Aujourd’hui, cette grille est occultée, protégeant totalement le Palais de la vue des passants.
En longeant le mur à balustrade en pierres de taille, nous arrivons dans l’actuelle rue de Brederode. Elle prit ce nom en 1851, autrefois appelée ruelle du Duc puis rue Verte en 1779, en mémoire du comte Henri de Brederode, un patriote bruxellois, qui a présenté le Compris des nobles à Philippe II, au 16e siècle, une ordonnance demandant au roi espagnol d’adoucir ses mesures contre l’hérésie.
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Rue Brederode : le haut lieu de l’administration coloniale
La rue Brederode est aujourd’hui méconnue, pourtant, il s’agit de l’adresse officielle du Palais royal. Si vous souhaitez faire livrer des fleurs à la Reine ou simplement envoyer du courrier à la famille royale, c’est au 16 rue Brederode qu’il faudra envoyer vos missives. Au n°16 se trouve l’entrée arrière, réservée habituellement au personnel. Mais cette entrée, bien gardée depuis les attentats du 11 septembre 2011, permet aussi aux visiteurs plus discrets d’entrer au Palais.
Sous le règne de Léopold II, la rue Brederode a connu son heure de gloire. À l’issue de la Conférence de Berlin, en 1885, les grandes puissances se sont partagées l’Afrique, au bout de trois mois de négociations. Si la plupart des pays africains se verront attribuer un pays colonisateur pour les diriger, comme la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie, pour le Congo, ce n’est pas un pays mais une personne unique qui en deviendra propriétaire. C’est Léopold II en personne, qui hérite d’un territoire appelé État indépendant du Congo.
Léopold II n’est pas uniquement le souverain de cet État mais bien son propriétaire. Le royaume privé du roi aura droit à ses administrations, gérées depuis la Belgique, Léopold II n’ayant jamais mis les pieds au Congo. Léopold II fait de la rue Bréderode son nouveau QG pour le Congo. En 1908, l’État indépendant du Congo, géré de façon privée par Léopold, devient le Congo belge, une colonie administrée par la Belgique, cédant aux critiques étrangères.
En 1906, le roi Léopold II avait fait construire un bâtiment singulier, accessible par le jardin du Palais royal. On l’appelle le Chalet norvégien, parfois le Chalet suisse ou même le Chalet viking. Les critiques qualifient le style de chalet alpin, d’autres de chalet scandinave. Si son style particulier dénote, c’est parce que le roi avait fait appel à un architecte norvégien, Finn Knudsen. La construction a eu lieu à la même époque que la construction de la Tour japonaise et du Pavillon chinois, à Laeken, Léopold étant demandeur de cette touche d’exotisme.
Léopold II y fait installer ses bureaux d’où il gère l’administration de son immense territoire africain. Le chalet est situé à l’arrière du Palais Royal. À l’époque, des maisons étaient construites devant le bâtiment, si bien que le chalet n’était pas visible depuis la rue et était donc protégé à l’intérieur du domaine royal. Il lui suffisait donc de traverser les jardins arrière du Palais pour s’y rendre à pieds. Il y convoquait aussi les journalistes pour y organiser les conférences de presse qui concernaient des questions sur les affaires congolaises.
La rue Brederode, pendant la période de l’État indépendant du Congo et pendant la période suivante du Congo belge, deviendra la rue dédiée à la gestion de la colonie. Albert Thys, plus proche collaborateur de Léopold II en charge du Congo, avait installé ses bureaux dans cette rue. Albert Thys va fonder différentes administrations, qui trouveront toutes leur siège dans un bâtiment de la rue Brederode. On y retrouve la Compagnie du Congo pour le Commerce et l’Industrie et ses nombreuses filiales, comme la Compagnie immobilière du Congo, la Compagnie sucrière ou encore la Compagnie du Katanga.
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Le Chalet norvégien aujourd’hui
Entre 1953 et 1971, les maisons qui cachaient le Chalet norvégien ont été détruites et il se trouve aujourd’hui en front de rue. Il n’est plus inclus non plus dans l’enceinte du Palais. Il est mitoyen à un ancien mur du Palais. Plusieurs théories subsistent quant à l’origine de ce mur. Ce qui est certain, c’est qu’il ne fait pas partie de la deuxième enceinte de Bruxelles. L’enceinte ne passait pas par ici, mais quelques mètres plus haut, vers la porte de Namur. La première enceinte, par contre, délimitait bien cette zone, avec non loin de là l’ancienne porte du Coudenberg.
Selon Bruxelles Patrimoine, ce mur n’est toutefois pas un vestige de la première enceinte. « Un fragment du mur d’enceinte du domaine de l’ancien palais de Bruxelles est conservé. La technique de construction est sensiblement différente de celle de la première enceinte urbaine notamment par l’utilisation de contreforts externes », peut-on lire dans son guide La Première enceinte de Bruxelles.
Le chalet norvégien, sis au n°10 rue Brederode est aujourd’hui loué. Le site internet de l’agence immobilière B2B Estate en charge de la location en 2017, indiquait un loyer à 12 000€ par mois pour une surface habitable de 385 m2. On y retrouve actuellement les bureaux de Hermes Benelux Nordic.
Joliment garni par des fleurs aux fenêtres et des abords de verdure, seules quelques étoiles sur la façade en bois permettent de se rappeler de la fonction passée du chalet. L’étoile à cinq branches était présente sur le drapeau de l’État indépendant du Congo, puis du Congo belge et encore aujourd’hui sur le drapeau de la République démocratique du Congo. L’étoile jaune à cinq branches, sur fond bleu foncé, représentait la lumière de la civilisation illuminant l’Afrique. À présent, l’étoile jaune sur un fond bleu ciel renvoie à un pays uni promis à un bel avenir.
Autour du chalet, on retrouve différents bâtiments abritant encore des institutions liées à la monarchie. Face au chalet, se trouve l’ancien siège social de la Banque d’Outremer, construit par Jules Brunfaut. Ce bâtiment Arc Déco et Art Nouveau est classé et le cabinet d’avocat Linklaters y est aujourd’hui installé.
Le n°14 rue Brederode se trouve juste à côté du Chalet norvégien, dont il est séparé par le vestige de l’ancien mur du palais. Ce fier bâtiment abrite aujourd’hui le siège de la Donation royale, l’héritage de Léopold II à la Belgique. Appartenant à la Donation royale, qui gère notamment l’attribution des biens mis à disposition de la famille royale, cet hôtel particulier avait été attribué à la princesse Astrid en 1993. Astrid et son époux Lorenz résidaient auparavant en Suisse, où le prince Lorenz a ses activités professionnelles. Lors de l’abrogation de la loi salique en 1991, la princesse Astrid, dorénavant présente dans l’ordre de succession au trône, revient vivre en Belgique.
On lui propose alors cette villa. Elle vivra ainsi à l’arrière du Palais royal, au n°14, jusqu’en 1998. Elle déménage ensuite au Stuyvenberg, à Laeken, où un logement plus spacieux a été spécialement construit pour elle. C’est le 1e avril 2003 que la Donation royale a transféré son siège dans ce bâtiment, comme confirmé par ce décret.
Au numéro 21 rue Brederode, non loin du Chalet norvégien, se trouve un hôtel néo-classique. Construit en 1779 pour un percepteur d’impôt, il a appartenu à la famille De Brouckère, avant d’être racheté par Léopold II pour y installer une partie de son administration en charge du Congo. Après y avoir abrité plusieurs associations, puis le musée de la Dynastie, il s’agit aujourd’hui du siège de la Fondation Roi Baudouin. La reine Mathilde est la présidente d’honneur de cette fondation royale philanthropique.