La Belgique connait son nouveau cas d’enfant illégitime reconnu par un souverain. Le 27 janvier 2020, le roi Albert II a admis être le père biologique de Delphine Boël, après de nombreuses années de batailles juridiques. Mais il ne s’agit pas du seul cas d’enfants illégitimes reconnus par un roi des Belges. La principale différence est que les précédents n’avaient pas été reniés par leur père.
Bien que leur existence fut taboue, cachée, dite à demi-mot, il y avait chez les deux premiers rois des Belges, un volonté de protéger leurs progénitures adultérines. Le roi Léopold 1e et sa maitresse Arcadie Claret eurent deux enfants, dont l’un des deux a donné une postérité toujours en vie aujourd’hui. Les descendants illégitimes du premier roi des Belges vivent principalement en Afrique du Sud et au Canada. Concernant Léopold II, lui aussi eut deux enfants adultérins, dont l’un d’eux est mort… il y a seulement 35 ans, sans descendance.
Les enfants illégitimes du roi Léopold 1e : les barons von Eppinghoven
En 1844, Arcadie Claret n’a que 18 ans (mineure pour l’époque), quand elle rencontre le roi Léopold 1e, 54 ans. Le père d’Arcadie, un major de l’armée ne cautionne pas la relation de sa fille avec le roi, déjà marié par deux fois.
En effet, Léopold 1e était dans un premier temps destiné à devenir prince consort du Royaume-Uni, s’étant marié à la princesse Charlotte de Galles en 1816. Celle-ci est morte l’année suivante en accouchant de leur seul enfant mort-né. Lorsqu’on proposa au veuf Léopold de Saxe-Cobourg-et-Gotha de monter sur le trône belge, il épousa en deuxièmes noces, en 1832, Louise d’Orléans, la fille de Louis-Philippe 1e, roi des Français.
Au bout de 12 ans de mariage, Léopold 1e eut un coup de foudre pour Arcadie Claret et commença à l’entretenir, à lui offrir des biens immobiliers, à assurer son train de vie coûteux. Il s’arrangea même pour qu’Arcadie Claret se marie avec l’écuyer Ferdinand Meyer, en qui il avait confiance, lui-même étant un enfant illégitime d’un Saxe-Cobourg. Ce mariage blanc permit au roi de garder sa relation avec Arcadie encore plus discrète.
Léopold 1e et Arcadie Claret eurent leur premier fils, Georges Frédéric Meyer, né à Liège le 14 novembre 1849. La reine Louise était déjà malade et elle mourut peu de temps après, en 1850. Le Tout-Bruxelles est au courant de la relation du roi avec sa maitresse, d’autant plus qu’elle prend quartier sur la rue Royale, reçoit des hommes politiques et tient salon.
Le deuxième fils de Léopold 1e et Arcadie se prénomme Chrétien Arthur Meyer, Chrétien étant le deuxième prénom de Léopold. Nous sommes en 1852, l’épouse légitime de Léopold est déjà morte et ils prennent de moins en moins de précaution pour cacher leur amour et leur progéniture. D’ailleurs, Chrétien Arthur (qui utilise uniquement le prénom d’Arthur par la suite) est né au château de Stuyvenberg, un bien offert par Léopold à sa douce. Pour assurer leurs arrières, le roi Léopold crée une fondation dans ses terres d’origines de Cobourg. Pendant des années, les historiens ne se sont jamais intéressés à cette fondation, pensant qu’il s’agissait d’une association philanthropique. L’historien Victor Capron, véritable passionné (qui est à l’origine d’à peu près tout ce que l’on sait aujourd’hui sur cette histoire) a découvert que c’est à travers cette fondation que le roi envoyait des rentes très généreuses à son amante et à ses enfants.
Pour assurer encore un peu plus leur avenir, le roi Léopold décida de leur offrir des titres de noblesse. Le gouvernement belge accueillit mal cette idée et Léopold dut se tourner vers son neveu Ernest II, devenu souverain du duché de Saxe-Cobourg-et-Gotha pour leur obtenir des titres de noblesse germaniques. C’est ainsi qu’en 1862, les deux fils, Georges et Arthur, devinrent barons von Eppinghoven et Arcadie Claret devint baronne l’année suivante. Le nom von Eppinghoven a été choisi en référence au nom du domaine que le roi avait acheté à sa famille illégitime, situé à Holzeheim, en Allemagne.
À la mort de Léopold 1e en 1865, Arcadie Claret part vivre avec ses deux fils, en Allemagne. Une rumeur existe selon laquelle le roi et Arcadie auraient finalement scellé leur union lors d’un voyage en Italie mais aucun document n’a pu être retrouvé à ce sujet. Arcadie et ses fils héritent de nombreux biens que le roi leur avait réservés. Celui-ci avait même laissé par écrit une demande à ses enfants légitimes et dynastes de ne jamais réclamer les biens qu’il avait pu offrir de son vivant. Quand Arcadie Claret meurt en 1897, ses deux fils héritent de tout et se partagent un héritage considérable. Pourtant, Georges et Arthur dilapidèrent cette fortune en alcool et en jeux.
Arthur, le deuxième fils d’Arcadie, eut une enfant avec une fille de bonne famille britannique, mais elle mourut sans descendance. Par contre, Georges est à l’origine de tous les descendants de Léopold 1e et Arcadie Claret, encore vivants, qui sont aujourd’hui installés au Canada et en Afrique du Sud. Georges eut 4 enfants avec une servante, ce qui posa longtemps problème à Arcadie Claret, ne voulant pas que son fils ait une relation avec une femme de basse classe, oubliant d’où elle venait…
Henriette, la fille aînée de Georges était schizophrène et est morte sans descendance. Henrich-Georges, deuxième enfant de Georges, devint héros dans l’armée prussienne. Il partira vivre en Afrique, puis au Canada. Georges fut aussi le père d’Anne-Marie et d’Arthur. Certains de ses 4 enfants ont donné une postérité.
Le Canadien Armin von Eppinghoven, né en 1960, est l’actuel chef de famille des barons von Eppinghoven. Il est le fils d’Alarich, lui-même fils d’Heinrich-George, lui-même fils de Georges, lui-même fils de Léopold 1e. Armin a un frère jumeau, Ralph von Eppinghoven. Armin a un fils, Alexander, né à Toronto en 2001. Ralph est père de Konrad et Derek, également nés au Canada. Les descendants d’Anne-Marie (l’une des filles des filles de Georges) vivent en Afrique du Sud et portent le patronyme de Tebbitt et Batley.
Ici à gauche sur ce tweet, Armin von Eppinghoven, arrière-arrière-petit-fils de Léopold 1e :
The handsome and charismatic @kenanhuskovic and @arminvoneppinghoven Quasar men, ready for the #CCEawards! @ACECCanada @CdnConsultEng #engineeringexcellence pic.twitter.com/gJT3mtPVYa
— Quasar Consulting Group Inc. (@Quasar_CG) October 29, 2019
Les enfants illégitimes du roi Léopold II : les barons de Vaughan
Si les descendants des enfants illégitimes du roi Léopold 1e sont encore en vie et nombreux, ceux du roi Léopold II sont aujourd’hui tous morts. Le roi Léopold II eut deux enfants illégitimes, Lucien et Philippe. L’un est mort à 8 ans, l’autre à 76 ans. Aucun des deux n’eut de descendance. Mais leur histoire est tout aussi passionnante.
C’est en 1901 que le roi Léopold II croisa par hasard à Paris Blanche Delacroix, pour laquelle il eut un coup de foudre immédiat. Il avait 65 ans… elle en avait 16. Le roi ne vivait plus depuis de nombreuses années avec la reine Marie-Henriette, vivant chacun de leur côté. Il décida d’offrir une véritable cour à sa maitresse, malgré le scandale. Faut-il ajouter que celle-ci était une dame de petite vertu. Le roi Léopold II fit également usage de son immense fortune pour les beaux yeux de sa maitresse. Il l’installa notamment à la villa Les Cèdres située à Saint-Jean-Cap-Ferrat, qui a l’époque était considérée comme la propriété la plus chère au monde. (La villa des Cèdres a été rachetée 200 millions d’euros en 2019 au groupe Campari qui en était devenu propriétaire).
En 1906, à la naissance de Lucien, à Saint-Jean-Cap-Ferrat, le roi leur offre des titres de noblesse et crée ainsi la branche des barons de Vaughan. Philippe nait en 1907, au château de Formoy, un bien que le roi louait pour sa maitresse, et le roi offre alors deux titres à ses fils. Lucien devint duc de Tervuren et Philippe devint comte de Ravenstein. Le roi et Blanche se seraient mariés religieusement à Cap-Ferrat et une autre fois à Laeken, trois jours avant sa mort. Selon Lucien, son père, le roi Léopold II comptait légitimer sa relation mais il n’en a pas eu le temps. Alors que Philippe est mort à 8 ans de la typhoïde, Lucien a vécu jusqu’à 76 ans, en France. Il portait le nom à l’État civil français de « Lucien Durrieux duc de Tervuren ». Durrieux était le nom de son père adoptif, Emmanuel Durrieux, que sa mère épousa après la mort du roi.
Interrogé avant sa mort sur son passé, Lucien Durrieux gardait des souvenirs très précis de sa petite enfance avec son père. Il avait également gardé des très précieux documents écrits par sa mère et par le roi. Il était aussi capable de raconter la vie de reine que sa mère a vécue avec le roi, surtout après la mort de la reine Marie-Henriette. C’est elle qui accompagnait le roi lors de ses voyages officiels à l’étranger.
Les autres enfants illégitimes des rois des Belges
Si Léopold 1e et son fils, Léopold II, sont les seuls à réellement avoir reconnu leurs enfants illégitimes, il existe de nombreuses théories, rumeurs à propos d’autres enfants issus d’un roi des Belges. Ainsi, Léopold II lui-même ayant eu de nombreuses aventures et étant un visiteur fréquent des maisons closes parisiennes pourrait être le père d’autres enfants illégitimes inconnus.
Le neveu de Léopold II, Albert Ie, aurait également eu des enfants illégitimes si on en croit le journaliste Jacques Noterman. Dans son livre La Chute d’Albert, le journaliste parle de cinq ou six enfants illégitimes dont l’un serait devenu secrétaire à la cour.
Leo Van Audenhaeghe a, quant à lui, révélé l’existence d’Ingeborg Verdun dans son livre De Küssnacht à Argenteuil. Ingebord serait une fille illégitime du roi Léopold III, issue d’une brève aventure de seulement « quelques rencontres » avec la patineuse Liselotte Landbeck. Une rumeur persiste concernant le comte Michel Didisheim. Il serait lui aussi un fils illégitime de Léopold III. Le comte Didisheim fut le chef de Cabinet d’Albert II, à l’époque ou celui-ci était encore prince de Liège. Notez que le comte Michel Didisheim a toujours formellement nié être le fils de Léopold III. D’autres rumeurs courent concernant des enfants nés de sa relation passionnelle avec Jacqueline Grigaut-Lefèvre et plus tard, avec Marie-Louise Du Roy de Blicquy (née princesse de Fürstenberg), la dame de compagnie de sa défunte épouse, la reine Astrid.
Outre les rois des Belges, on connait également des enfants illégitimes au prince Charles, comte de Flandre, frère de Léopold III. Isabelle Wybo est la fille cachée du comte de Flandre, qui a tout de même connu son père et a vécu une relation – certes houleuse – avec lui. Une autre femme, Michèle Lacaille pense être la fille du comte de Flandre, mais elle n’en a jamais eu la confirmation.
En janvier 2020, le roi Albert II devient le premier roi depuis Léopold II a publiquement reconnaitre une enfant illégitime. En octobre 2020, la justice donne le droit à Delphine Boël de changer son nom en Delphine de Saxe-Cobourg et d’obtenir le titre de princesse de Belgique.
Les enfants illégitimes dans d’autres monarchies
Les enfants illégitimes ne sont pas l’apanage de la famille royale belge. Sans devoir remonter à une époque lointaine, on pense par exemple à Alicia de Bielefeld et Alexia Grinda qui sont les demi-sœurs de la princesse Beatrix, ancienne reine des Pays-Bas. Autrement dit, le roi Willem-Alexander a deux tantes illégitimes…
Alicia Bielefeld est née en 1952 de la relation extraconjugale du prince Bernhard Lippe-Biesterfeld, époux de la reine Juliana des Pays-Bas, avec une pilote allemande. Alexia Grinda, née en 1967, est la fille du prince Bernhard et de sa maitresse française. Le prince Bernhard avait expliqué, lors d’une interview, qu’il avait avoué la vérité à sa femme, alors que sa fille illégitime était âgée « d’environ 10 ou 15 ans ». Les quatre filles légitimes du prince Bernhard, les princesses Beatrix, Irene, Margriet et Christina ont accueilli cordialement leurs deux demi-sœurs illégitimes et à la mort du prince Bernhard, elles se sont partagées son héritage en six parts égales.
Plus récemment encore, Nicholas Medforth-Mills, qui fut tout un temps le protégé du roi Michel 1e de Roumanie, a été répudié par son grand-père, on présume notamment à cause de l’existence d’une enfant illégitime. En 2019, Nicholas Medforth-Mills, ancien prince de Roumanie a reconnu être le père de cette enfant suite à un test ADN.
En Italie, Amédée de Savoie-Aoste, l’un des prétendants au trône d’Italie, qui se dispute la légitimité avec son cousin Victor-Emmanuel de Savoie, est père de 5 enfants, dont 2 sont illégitimes.
Sources : Geneanet et Victor Capron via Le Soir et La Libre. L’étude complète et détaillée des descendants von Eppinghoven est le travail de Victor Capron, qui a publié «Sur les traces d’Arcadie Claret, le grand amour de Léopold 1e»